n les a isolés, ligotés, électrocutés, estourbis, magnétisés, purgés, panés, lobotomisés avec pic à glace, masturbés au spéculum, on les a gavés de moutarde, de LSD, de haschich et d'opium, on les a ébouillantés, frigorifiés, hypnotisés, plongés dans le coma, on leur a fait des lavements au chloroforme... C'étaient des fous, et on l'a fait pour leur bien... Aujourd'hui on les fait parler, méditer, on les coache, et on les fait consommer. Du divan, des médicaments, des guérisseurs. Ce sont les "patients" ou les "clients", les "usagers". On ne les traite plus de fous, ils saisiraient la justice. Ils ne sont plus soumis au pouvoir discrétionnaire de la médecine, ils s'invitent dans les débats psychiatriques, manifestent, font pression pour modifier les diagnostics, corriger les prises en charge, et, en filigrame, surveiller ceux qui se piquent de les soigner. La maladie mentale n'est plus la grande muette de 1850, on a pris la peine d'écouter les aliénés. À l'heure d'Internet, l'écho des patients n'a jamais pris autant d'ampleur, et les thérapies ne se pratiquent plus dans un asile clos, mais selon les lois de l'offre et de la demande. Il en existe des centaines, plus seulement pour les idiots du village ou les déments, mais pour les névrosés comme vous et nous. Ce n'est plus une torture, c'est parfois un confort. Voici comment, au fil des siècles, la population mondiale, à un rythme différent, a changé sa vision envers les malades psychatriques. Et comment, jusqu'au troisième millénaire, les mentalités et les pratiques ont évolué vers un changement de perspective renversant, passant du terme de "fous" au terme de "patients".