Les Grands Malades
Dans toute discipline, il y a un expérimentateur et un expérimenté, et parfois même, il ne font qu'un. Souvent, le "cobaye" est là par soumission, mais dans la psychatrie, les expérimentés sont d'abord là pour être soignés. Un grand avantage s'ouvrent à étudier les grands malades mentaux car ces différents exemples permettent d'avoir une vision plus objective des thérapies psychiatriques. De plus ces exemples ont permis de démontrer que le malade à lui aussi, une vie privée, une famille, des amis et parfois même un métier, même si cela n'a pas été toujours le cas. Ainsi nous allons voir quelles ont été les grands exemples de la psychatrie qui illustrent le mieux son évolution.

Anaïs Nin (1903-1977) Danseuse, mannequin, auteur d'un journal monumental et d'ouvrages érotiques, amie ou maîtresse d'une foule d'écrivains dont Henry Miller, elle se fait psychanalyser par René Allendy puis Otto Rank, qui la rejoignent sur le divan. Elle envisage même Jung comme « nouveau trophée». Puis elle tente de s'établir comme analyste à New York, mais se rend vite à l'évidence: «Je ne suis pas une psychanalyste. Je suis écrivain. »..



Marcel Proust (1871-1922)
Aussi valétudinaire que la tante Léonie de son roman, Marcel Proust, à partir de 1905 et pendant six semaines, confie ses troubles nerveux, son insomnie et son asthme aux bons soins du neurologue Paul Sollier. L'échec est patent, le malade n'ayant entrepris sa thérapie que pour faire plaisir à sa mère (pourtant décédée), et n'ayant pas apprécié son médecin critique Henri Bergsonque. Détail troublant: en tant que thérapeute, P.Solller prône nottament la "reviviscence" c'est à dire remémoration complète, comme au présent, de souvenirs importants mais jusqu'alors occultés. Alors avec ou sans Madeleine?

Marie Wittman (1859-1913)
Admise à 18 ans à la Salpêtrière pour une épilepsie, Marie, dite "Blanche", est exhibée par le
prestigieux neurologue Jean Martin Charcot comme la "reine des hystériques", celle dont les symptômes sont les plus spectaculaires. On la soupçonne très fortement de les avoir développés par complaisance avec Charcot, à l'insu de celui-ci... Au fil de ses séjours, elle fera partie du paysage au point de figurer parmi le personnel d'entretien. C'est elle qui se pâme dans le célèbre tableau d'André Bouillet, Une leçon de clinique à la Salpêtrière, de 1887.

Anna O. (1859-1936)
Le premier des cas cliniques «historiques» de la psychanalyse, Bertha Pap- penheim, restée dans la littérature sous le nom d'Anna O., n'a jamais été traitée par Sigmund Freud lui-même mais par son ami Josef Breuer, 13 ans avant la présentation de son histoire dans les Études sur l'hystérie signées par les deux hommes en 1895. Elle y est montrée comme l'illustration vivante de la possibilité d'une cure des symptômes hystériques par la parole, ce qui annonce la psychanalyse. On sait aujourd'hui qu'en réalité son état ne s'était aucunement amélioré avec J. Breuer.

Marie Bonaparte (1882-1962)
Arrière-petite-nièce de Napoléon et princesse de Grèce et du Danemark, cette habituée des cercles scientifiques et littéraires a passé la quarantaine quand elle se fait psychanalyser par Freud à Vienne en espérant venir à bout de sa frigidité. À son retour en France, elle crée et finance la Société psychanalytique de Paris en 1926, la Revue française de psychanalyse en 1927, l'Institut psychanalytique de Paris en 1934. C'est elle qui aide Freud à se réfugier à Londres pour fuir le nazisme, tout en rachetant sa correspondance pour l'archiver. Critiquée pour son approche très biologisante de la psychanalyse, elle s'est lancée comme thérapeute elle-même auprès de quelques patients, sans grand succès.
Sabina Spielrein (1885-1942)
Analysée par Carl G. Jung, cette hystérique psychotique devient son amie, puis sa maîtresse pendant quatre ans. Après leur rupture, Jung, marié, tente de faire passer la colère de Sabina Spielrein pour une rechute de ses symptômes. Elle écrit à Freud pour le prendre à témoin, puis déménage à Vienne pour se former à la psychanalyse. Souffrant de ne pas être prise au sérieux malgré sa récente thèse de médecine, elle devient analyste à Genève (Jean Piaget est l'un de ses patients) et en Russie. Avec ses deux filles, elle compte parmi les 27 000 victimes des SS lors du massacre de Zmiyovskaya Balka. Ses travaux constitueraient l'une des sources d'inspiration de Freud pour la pulsion de mort.

Camille Claudel (1864-1943)
Sculptrice, la sœur de Paul Claudel et protégée d'Auguste Rodin passe les trente dernières années de sa vie internée, pour des raisons qui semblent tenir au moins autant à son indépendance qu'à sa santé mentale. Elle mourra de faim, tout comme, à la même époque, la peintre Séraphine Louis (1864-1942), internée pendant dix ans pour « psychose chronique ». Toutes deux avaient cessé de créer à partir de leur hospitalisation.
Antonin Artaud (1896-1948) Sujet à des migraines incessantes depuis l'adolescence, Antonin Artaud est initié au peyotl en 1936, au Mexique. L'année suivante et jusqu'en 1946, considéré comme dangereux, il est interné dans divers établissements français pour cause de délires et d'hallucinations, et subit plusieurs dizaines de séances d'électrochocs. À sa sortie, il publie Van Gogh, le suicidé de la société, où il s'en prend violemment à la médecine, en affirmant que le peintre n'était pas fou.

Antonin Artaud (1896-1948) Sujet à des migraines incessantes depuis l'adolescence, Antonin Artaud est initié au peyotl en 1936, au Mexique. L'année suivante et jusqu'en 1946, considéré comme dangereux, il est interné dans divers établissements français pour cause de délires et d'hallucinations, et subit plusieurs dizaines de séances d'électrochocs. À sa sortie, il publie Van Gogh, le suicidé de la société, où il s'en prend violemment à la médecine, en affirmant que le peintre n'était pas fou.


Henry Molaison (1926-2008) Connu jusqu'à sa mort par ses seules initiales de H.M., Molaison, à 27 ans, subit l'ablation de certaines régions cérébrales en réponse à des crises d'épilepsie particulièrement coriaces. Effet secondaire plus que regrettable, il ne sera plus jamais capable de se souvenir de quoi que ce soit de postérieur à l'opération, démontrant malgré lui l'importance des structures temporales pour la mémorisation

John Nash (1928-2015)
Prix Nobel d'économie en 1994 pour ses travaux sur la théorie des jeux, ce mathématicien salué comme un génie souffre de schizophrénie paranoïde. Conspirationnisme communiste, messianisme et voix intérieures hostiles lui valent d'être hospitalisé régulièrement durant les années 1960, où il est «soigné» par cure de Sakel, des injections d'insuline provoquant des phases de coma réputées salvatrices. Depuis les années 1970, tout en refusant la médication, il est parvenu à une certaine amélioration de son état. Ce qui selon lui aurait émoussé sa créativité.

Woody Allen (né en 1935) C'est à cause de ses films que tous les intellectuels américains passent encore pour des forcenés du divan. Ses presque quarante ans de psychanalyse lui ont inspiré quelques réflexions fameuses : «Mes films sont comme une psychanalyse. Sauf que c'est moi qui suis payé, ce qui change tout. »